Le Target-Costing appartient-il vraiment à la comptabilité de management?

Le Target-Costing nous est souvent présenté comme une nouvelle méthode de comptabilité de management qui ferait intervenir, dans une moindre mesure, les services de marketing et de fabrication. L’étude de Tani et al (1994) ou encore plus récemment celle de H. Dekker et P. Smidt (2003) portant sur, respectivement 180 et 32 entreprises manufacturières du Japon, nous apprend que là-bas, sa mise en application est le plus souvent réalisée par une équipe transversale et multifonctionnelle où les comptables n’ont que peu d’importance. Ainsi, tel que le montre le tableau ci-dessous illustrant des résultats de leurs études, les fonctions les plus impliquées seraient celles de l’ingénierie suivies des achats, du marketing, de la production, la comptabilité arrivant en dernière position. Il faut admettre cependant que ces résultats sont en contrastes avec les pratiques occidentales où la comptabilité de management tient une place importante dans la mise en place du processus de Target-Costing.

Le schéma d’Ellram (1999) nous montre que les différentes fonctions de l’entreprise peuvent intervenir à des niveaux distincts du processus de Target-Costing.

Par exemple, le service marketing jouera un rôle plus important dans la première et la deuxième étape. D’abord pour ce qui est d’identifier le besoin du consommateur et le produit ou service qui est capable d’y répondre, ensuite pour déterminer le meilleur prix de vente. Ces étapes seront généralement réalisées à l’aide d’évaluations, d’enquêtes auprès des clients ou encore par des comparaisons avec la concurrence.

La troisième étape consistant essentiellement à approuver le prix de vente cible, la marge cible, et le coût cible, elle est traditionnellement du ressort stratégique et financier et donc appuyée par la haute direction.

Pour déterminer le coût cible des différents composants du produit dans l’étape 4, des équipes d’ingénieurs en recherche/développement assistées par des financiers travaillent ensemble sur la base de données historique. Par ailleurs ils collaborent également et se renseignent des prix avec les fournisseurs.

A l’étape 5, la résolution des écarts entre le coût actuel et le coût cible est réalisée par tous les fonctions citées ci-dessus notamment les ingénieurs en collaboration avec les fournisseurs qui trouvent des solutions de compromis comme changer des caractéristiques du produit, les matériaux, les composants.

Pour l’étape 6, tous les départements de l’entreprise peuvent participer à l’amélioration continue du processus.

Ces étapes ne se suivent pas forcement, certaines peuvent se réaliser simultanément. Par ailleurs, elles ne sont, bien sûr, pas hermétiquement fermées autours des fonctions qu’elles sont censées concernées et induisent beaucoup plus d’interactions entre les départements que ce premier schéma veut bien nous montrer : c’est avec ce constat que Lisa M. Ellram (2003) l’a modifié quatre ans plus tard.

Ainsi, le Target-Costing est, à mon sens, bien plus qu’une simple méthode de comptabilité de management puisqu’il ne s’arrête pas au calcul, à la gestion des coûts ou encore à la production d’informations à destination des gestionnaires, mais va influencer l’organisation entière de l’entreprise et le travail de ces acteurs. Par exemple les ingénieurs et responsables de la production sont contraints à chercher les meilleures solutions pour atteindre les objectifs qui leur sont dictés par l’application de la méthode, dés lors ne pourrions nous pas classifier le Target-Costing comme une méthode de management de ces acteurs ? Ou encore, cette méthode ne pourrait-elle pas être considérée comme fondamentalement liée au marketing puisqu’elle tente de faciliter la commercialisation des produits en s’adaptant au besoin du consommateur ?

2 commentaires:

  1. « Ainsi, le Target-Costing est, à mon sens, bien plus qu’une simple méthode de comptabilité de management puisqu’il ne s’arrête pas au calcul, à la gestion des coûts ou encore à la production d’informations à destination des gestionnaires, mais va influencer l’organisation entière de l’entreprise et le travail de ces acteurs. »

    À notre avis, la comptabilité de management ne se restreint pas seulement à cela. Elle nous projette dans l’avenir du fait qu’elle fournit des informations pour des fins de planification et de prises de décisions. Que ce soit au niveau du marketing ou de l’ingénierie, je crois que la comptabilité de management se retrouve au cœur de chacune des divisions de l’entreprise. Pourquoi présente dans toutes ces sphères ? Car l’organisation en elle a des objectifs précis de ce qu’elle veut offrir, d’où elle veut se trouver. Ces derniers sont déterminés par la comptabilité de management et ainsi implique chaque division et a un effet sur elles. Pour arriver à atteindre ces coûts cible par exemple, chaque division est interpelé et aide à l’atteinte de ce but. À cet effet, il est important que toute l’entreprise soit au courant de la mission et de la vision de l’entreprise et que chacun comprenne son rôle au sein de cet objectif afin de tout faire en sa capacité pour y contribuer. De ce fait, je trouve donc que le target costing appartient à la comptabilité de management et, qu’à l’encontre de votre point de vue, c’est la comptabilité de management qui est l’investigatrice de ces objectifs.


    « nous apprend que là-bas, sa mise en application est le plus souvent réalisée par une équipe transversale et multifonctionnelle où les comptables n’ont que peu d’importance. »

    Nous pensons qu’ici, il est important de faire une distinction entre le rôle des comptables en management et la fonction proprement dite de « comptabilité » dans les entreprises. Le comptable en management doit avoir une vision globale de ce que sera l’implantation du produit et agir sur les éléments qui génèrent des coûts dans le processus de production du produit. Pour sa part, la « fonction comptable » a pour but de comptabiliser les coûts et les revenus de l’entreprise, donc la fonction n’a aucune dimension stratégique et ne sert effectivement pas beaucoup pour l’implantation et le développement d’un produit. Avec cette distinction, nous croyons que l’équipe chargée de la mise en application utilisera vraisemblablement les compétences de la comptabilité de management et que, par le fait même, ce ne sera pas les comptables qui auront peu d’importance dans l’implantation, mais bien la « fonction comptabilité » de l’entreprise.

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  2. Dans ce texte, nous parlons, bien sûr, de la fonction comptabilité au sens large, cela englobe donc la fonction de comptabilité de management. D’ailleurs comme vous pouvez le constater dans le tableau de H. Dekker et P. Smidt (2003) le département « comptabilité de management » n’apparaît pas, il est donc implicitement inclus dans celui nommer « Finance/accounting ».

    Par ailleurs, nous aimerions revenir sur votre affirmation selon laquelle la comptabilité que nous qualifierons de comptabilité financière (pour la distinguer de la comptabilité de management) n’aurait « aucune dimension stratégique ». Nous pensons que cette idée est assez critiquable. En effet, les nombreuses options disponibles laissées aux comptables peuvent considérablement impacter les états financiers et avoir des conséquences significatives notamment sur les coûts de son financement.

    En ce qui concerne le fait de classifier le Target Costing comme une méthode de comptabilité de management, nous considérons vos propos comme légitimes et votre opinion sur cette question est compréhensible. Comme nous l’avons expliqué dans le blog, et pour cela vous semblez être d’accord, la comptabilité de management produit des informations à destination des gestionnaires « pour des fins de planification et de prises de décisions ». Cependant, si l’on compare la méthode des coûts cibles avec des méthodes appartenant sans contestations à la comptabilité de mangement telle que l’ABC ou les coûts complets, nous constatons tout de même que les fonctions marketing et de management sont beaucoup plus impliquées quand il s’agit de l’application du Target Costing. Pour les méthodes classiques telle que les coûts complets, les différentes fonctions de l’entreprise n’auront pour rôle que d’informer la fonction comptabilité de management sur la répartition de leurs coûts. Or, dans le cas de la méthode des coûts cibles, leur participation va se faire à tous les niveaux comme le montre le schéma d’Ellram (1999). En outre, s’il est vrai que la comptabilité de mangement a un rôle de coordination et doit être transversale pour s’assurer du bon déroulement de la méthode, nous serions moins affirmatifs sur l’idée que c’est la comptabilité de management qui est l’investigatrice de l’objectif d’atteindre le coût cible, comme vous le décrivez dans votre commentaire, puisque le service marketing participe également fortement à sa détermination.

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