Cas d'application:
Pour illustrer ces affirmations nous proposons d’étudier le cas Renault – Nissan qui permettra de faire la lumière sur les différences de management et d’application de la méthode du target costing sur ces deux grands acteurs du secteur automobile mondiale qui ont été amené à fusionner.Nous nous sommes intéressés aux analyses sur la mise en œuvre du target costing chez Renault par MIDLER (1993) et chez Nissan par COOPER R. et SLAGMULDER R. (1999). MIDLER a suivi la conception du nouveau modèle Twingo chez Renault et met l’accent sur les pratiques de coopération, de négociations et d’ajustement dans un processus cadré par le target costing. COOPER et SLAGMUDLER ont fait une analyse comparative de sept entreprises japonaises, dont une majorité du secteur automobile, ayant mis en oeuvre depuis longtemps le target costing avec une attention particulière à la démarche méthodique et très rigoureuse de Nissan.
Il ressort de ces analyses une décomposition marketing très précise pour orienter la démarche de conception du produit chez Nissan, alors que Renault se montre plus créatif et volontariste. La nouvelle direction de Nissan (en provenance de Renault) s’est dotée de contrepoids afin d’éviter cette dérive jugée préjudiciable au succès commercial des nouveaux modèles. Pour solutionner ce problème il a été mis en place des postes de directeurs programmes qui visaient à maîtriser les coûts des produits en prenant en compte tous les facteurs liés à l’ingénierie, la production et la commercialisation sur la durée de vie globale du produit. Mais aussi des postes de chefs de produit ont été mis en place ayant pour rôle de faire les avocats des produits en veillant à préserver leur capacité de séduction sur les marchés.
Chez Nissan il est primordiale que (« le coût cible ne soit jamais dépassé »). On ne pouvait modifier le coût cible que si des bouleversements fondamentaux intervenaient dans la technologie ou les fonctions principales. Ceci amenait le chef de projet à se doter d’une marge de sécurité de l’ordre de 5 à 10% du coût cible pour faire face aux difficultés risquant de mettre en cause l’objectif initial. Du côté de Renault, les dépassements se négocient et sont l’objet de compromis. On remarque également la rigueur avec laquelle Nissan négocie les prix d’achat des composants avec ses fournisseurs. Les pratiques antérieures de target costing avec des fournisseurs historiques, filiales pour la plupart du groupe Nissan, n’étaient pas si performantes. Dans l’étude de COOPER et SLAGMUDLER, ils mettent l’accent sur la rigueur scientifique pour déterminer les profits cibles que l’on retranche des prix cibles déterminés par produit chez Nissan. Pourtant il faut tout de même le signaler, depuis 10 ans l’entreprise connaît des pertes! Certes, la stratégie de croissance du groupe Nippon est financée par un endettement massif mais le fait que ce facteur échappe à la grille d’analyse du target costing de l’entreprise représente une faiblesse évidente du système de calcul des coûts. Si l’avenir dira l’efficacité ou non des pratiques de Renault, les limites de certaines dimensions du target costing version Nissan ancienne manière sont d’ores et déjà évidentes.
Il apparaît que l’application du target costing semble se vérifier uniquement dans certains secteurs de l’industrie d’assemblage, qui pourrait être causée par sa focalisation sur un coût de production unitaire. Or le coût de production ne représente plus qu’une simple partie du coût de revient : les composantes amont (R et D, approvisionnements, etc.) et aval (marketing, logistique, etc.) prennent une importance croissante actuellement. Par ailleurs le coût unitaire du produit n’est plus un élément explicatif central : dans les démarches de type ABC, on considère qu’il est délicat à calculer. On préfère mettre en avant des coûts globaux liés à des inducteurs de coûts significatifs. Là réside peut-être la principale faiblesse du target costing…