Bilan

A maintes reprises, la méthode des coûts cibles a montré son efficacité, elle a rempli ses objectifs de réduction des coûts et de maximisation de la satisfaction de la clientèle. La preuve en est qu’après s’être rapidement développée au Japon, plusieurs entreprises à travers le monde l’ont adoptée. Néanmoins, si la méthode semble simple à mettre en œuvre sur le papier, elle est pourvue de nombreuses contraintes et limites dans son application, que nous avons tentés d’identifier et d’analyser dans ce blog.

Les difficultés engendrées par le Target Costing sont réellement de deux catégories. Les premières sont internes à l’entreprise comme la répartition des tâches dans la mise en place du processus, la gestion des conflits d’intérêt entre les différentes fonctions de l’entreprise, le risque d’affaiblissement de l’effort d’innovation. D’autres contraintes, cette fois externes à l’organisation, peuvent se présenter comme les biais présents dans la collecte d’information auprès des consommateurs, l’environnement et le secteur d’activité qui ne permettent parfois pas ou rend inutile l’application de la méthode.

Nous avons la conviction que les gestionnaires confrontés à l’implémentation et à l’utilisation de la méthode des coûts cibles doit avoir en tête ces différentes problématiques. Or, la relative rareté des articles de recherche, manuels, et ouvrage de référence sur le sujet conduit à un véritable manque d’instructions et de recommandations. Cela confirme qu’il est aujourd’hui très utile de faire le point sur cette méthode afin d’éclairer ses utilisateurs présents et notamment futurs.
Nous désirons que ce blog reste dynamique et évolutif, dès lors, nous vous incitons à y contribuer en nous communiquant vos interrogations et suggestions.

Target costing et les autres méthodes de calcul de coûts : opposition où complémentarité ?

Coût cible et cycle de vie:

Nous avons eu l’occasion de vous faire découvrir le fonctionnement et les limites du target costing au travers des posts précédent. Intéressons à présent aux deux points de vue concernant le coût cible et le cycle de vie.

Le premier celui de Cooper R. et Slagmuder R. (1993) qui ont eu une vision réductionniste du coût cible dans le sens où il le limitait à l’analyse du coût de production lors de la phase de conception du produit. En effet, cette phase conception compose 80 % du coût de revient total du produit et de 90 % à 95 % du coût de production. Les auteurs ont estimés que le coût cible est une méthode de calcul de coûts appliquée à une partie seulement du coût du produit et permettant simplement de se fixer un objectif. Le target costing fait donc partie des outils utilisés par les Japonais qui englobent aussi bien l’analyse de la valeur, que la gestion des coûts des approvisionnements en partenariat avec les fournisseurs et enfin les systèmes de contrôle budgétaire de la production.

Le second est celui de M. Sakurai (1997) qui consiste à calculer un coût plafond. L’écart entre le coût estimé et le coût plafond visé doit être comblé en deux temps : par une analyse de la valeur qui permet d’obtenir un coût cible dès la phase de conception du produit et par une amélioration continue et programmée des coûts sur tout le cycle de vie du produit (kaizen costing). Dans cette approche la recherche du target costing au sens strict se limite à la première étape de la démarche.

ABC et Target costing :

Tout d’abord il est important de rappeler que le target costing établit un rapport d'importance des fonctions attendues par le client et la marge sur coût variable que pourra dégager l’entreprise, ceci entraine des implications notamment sur la structure des activités de la société. L’objectif est d’obtenir un coût estimé fiable ainsi que de définir une meilleure répartition des coûts indirects. On notera que les entreprises Japonaises établissent d’or et déjà des tableaux de bord de coûts analytiques s’approchant de l’ABC. Néanmoins on se rend compte qu’il est difficile d’extraire les coûts indirects devant être inclus dans le coût estimé, de plus la traçabilité des coûts ne permet d’affecter qu’une partie des charges au produit unitaire.

Dans un cadre prévisionnel, il est donc impossible d’intégrer tout les coûts. D’ailleurs, il est délicat de décomposer le coût unitaire prévisionnel d’un produit en fonction des activités susceptible de contribuer à sa vente. En conséquence de quoi, il semble logique d’utilisé une forme plus simplifiée de l’ABC notamment en se concentrant uniquement sur certain inducteurs clés. Il apparaît donc qu’un prolongement du coût cible vers une approche par activité semble toutefois limité.

Deux autres prolongements à la méthode du coût cible:

Premièrement il y a la méthode du Coût Asymptote Instantanée (CAI). On se fixe alors comme cible le coût de revient auquel pourraient arriver les concurrents en faisant jouer toutes leurs possibilités de réduction des coûts. Il s’agit donc d’une approche qui est plus tournée vers la concurrence que vers le marché et qui permet de mesurer les conséquences à court terme des changements technologiques sur les coûts. Elle permet d’obtenir le prix de revient le plus bas possible, en offrant les moyens d’analyser toutes les aspects économiques, techniques, méthodologiques au niveau mondial, disponibles immédiatement afin de calculer puis de réduire les coûts de revient. Cette méthode d’origine française s’est démocratisé dans l’optique de pallié aux délocalisations des usines de productions. Par extension, le CAI stimule la concurrence en définissant une marge réduite au maximum ce qui engage une guerre du prix bas à la manière d’un hard discounter.

Deuxièmement, on peut parler de la conception à coût objectif. C’est une technique d’analyse de la valeur qui utilise l’analyse fonctionnelle en considérant tout produit comme une forme de services ou fonctions plus que comme l’addition d’éléments physiques au sein d’un système. Le produit est alors décrit par ses relations avec son environnement. Le développement du produit est donc orienté par la conception des actions de celui-ci, de ses finalités plutôt que par la recherche de nouvelles solutions. Concevoir, c’est donc révéler les buts de l’objet au moment de sa création et donc sa véritable nature. On recherche ainsi à définir les fonctions principales, contraintes et complémentaires du produit dans l’optique de maximiser les performances techniques au regard des attentes des clients. De plus, il faut éviter d’ajouter des performances inutiles sur un produit qui aurait pour conséquence d’alourdir le coût estimé à l’origine. L’entreprise s’engage ainsi dans une politique globale de réduction des coûts pour éviter tout gaspillage. Une collaboration optimale entre l’ensemble des intervenants d’une entreprise pour supprimer tous les coûts superflus est nécessaire et enfin la transparence absolue pour justifier l’utilisation de chaque somme.

Pour comprendre son fonctionnement, étudions l’exemple de la tondeuse à gazon.

Fonction principale:

  • Couper la hauteur de l'herbe (remarquez qu'on a déjà opté pour une solution : le besoin est de réduire la hauteur de l'herbe, et la solution choisie est de la couper).

Fonctions contraintes :

Il s’agit ici de définir les fonctions essentielles sur lesquels il sera difficile de rogner sur les coûts.

  • S'adapter au terrain et à la végétation, respecter l'environnement (écologie et sonorité)
  • Faciliter l'utilisation, présenter un encombrement minimum
  • Respecter les normes de sécurité, résister aux intempéries

Fonctions complémentaires:

  • Fonctionner sans l'intervention de l'homme
  • Ramasser l'herbe

À titre d’exemples, on peut citer la NASA qui a utilisé la CCO a pu diminuer de 32 % les coûts de conception de sa navette DISCOVERY.

Il existe donc plusieurs prolongements de la méthode du coût cible néanmoins il est important de constater qu’il y a une quasi absence des études scientifiques sur le sujet dans les ouvrages de comptabilité de management. Que se soit pour des causes contextuelles relevant des initiateurs de ces méthodes d’une part, ou du nombre réduit des utilisateurs potentiels d’autre part, il semblerai intéressant d'approfondir les recherches sur ce domaine.