Target costing et les autres méthodes de calcul de coûts : opposition où complémentarité ?

Coût cible et cycle de vie:

Nous avons eu l’occasion de vous faire découvrir le fonctionnement et les limites du target costing au travers des posts précédent. Intéressons à présent aux deux points de vue concernant le coût cible et le cycle de vie.

Le premier celui de Cooper R. et Slagmuder R. (1993) qui ont eu une vision réductionniste du coût cible dans le sens où il le limitait à l’analyse du coût de production lors de la phase de conception du produit. En effet, cette phase conception compose 80 % du coût de revient total du produit et de 90 % à 95 % du coût de production. Les auteurs ont estimés que le coût cible est une méthode de calcul de coûts appliquée à une partie seulement du coût du produit et permettant simplement de se fixer un objectif. Le target costing fait donc partie des outils utilisés par les Japonais qui englobent aussi bien l’analyse de la valeur, que la gestion des coûts des approvisionnements en partenariat avec les fournisseurs et enfin les systèmes de contrôle budgétaire de la production.

Le second est celui de M. Sakurai (1997) qui consiste à calculer un coût plafond. L’écart entre le coût estimé et le coût plafond visé doit être comblé en deux temps : par une analyse de la valeur qui permet d’obtenir un coût cible dès la phase de conception du produit et par une amélioration continue et programmée des coûts sur tout le cycle de vie du produit (kaizen costing). Dans cette approche la recherche du target costing au sens strict se limite à la première étape de la démarche.

ABC et Target costing :

Tout d’abord il est important de rappeler que le target costing établit un rapport d'importance des fonctions attendues par le client et la marge sur coût variable que pourra dégager l’entreprise, ceci entraine des implications notamment sur la structure des activités de la société. L’objectif est d’obtenir un coût estimé fiable ainsi que de définir une meilleure répartition des coûts indirects. On notera que les entreprises Japonaises établissent d’or et déjà des tableaux de bord de coûts analytiques s’approchant de l’ABC. Néanmoins on se rend compte qu’il est difficile d’extraire les coûts indirects devant être inclus dans le coût estimé, de plus la traçabilité des coûts ne permet d’affecter qu’une partie des charges au produit unitaire.

Dans un cadre prévisionnel, il est donc impossible d’intégrer tout les coûts. D’ailleurs, il est délicat de décomposer le coût unitaire prévisionnel d’un produit en fonction des activités susceptible de contribuer à sa vente. En conséquence de quoi, il semble logique d’utilisé une forme plus simplifiée de l’ABC notamment en se concentrant uniquement sur certain inducteurs clés. Il apparaît donc qu’un prolongement du coût cible vers une approche par activité semble toutefois limité.

Deux autres prolongements à la méthode du coût cible:

Premièrement il y a la méthode du Coût Asymptote Instantanée (CAI). On se fixe alors comme cible le coût de revient auquel pourraient arriver les concurrents en faisant jouer toutes leurs possibilités de réduction des coûts. Il s’agit donc d’une approche qui est plus tournée vers la concurrence que vers le marché et qui permet de mesurer les conséquences à court terme des changements technologiques sur les coûts. Elle permet d’obtenir le prix de revient le plus bas possible, en offrant les moyens d’analyser toutes les aspects économiques, techniques, méthodologiques au niveau mondial, disponibles immédiatement afin de calculer puis de réduire les coûts de revient. Cette méthode d’origine française s’est démocratisé dans l’optique de pallié aux délocalisations des usines de productions. Par extension, le CAI stimule la concurrence en définissant une marge réduite au maximum ce qui engage une guerre du prix bas à la manière d’un hard discounter.

Deuxièmement, on peut parler de la conception à coût objectif. C’est une technique d’analyse de la valeur qui utilise l’analyse fonctionnelle en considérant tout produit comme une forme de services ou fonctions plus que comme l’addition d’éléments physiques au sein d’un système. Le produit est alors décrit par ses relations avec son environnement. Le développement du produit est donc orienté par la conception des actions de celui-ci, de ses finalités plutôt que par la recherche de nouvelles solutions. Concevoir, c’est donc révéler les buts de l’objet au moment de sa création et donc sa véritable nature. On recherche ainsi à définir les fonctions principales, contraintes et complémentaires du produit dans l’optique de maximiser les performances techniques au regard des attentes des clients. De plus, il faut éviter d’ajouter des performances inutiles sur un produit qui aurait pour conséquence d’alourdir le coût estimé à l’origine. L’entreprise s’engage ainsi dans une politique globale de réduction des coûts pour éviter tout gaspillage. Une collaboration optimale entre l’ensemble des intervenants d’une entreprise pour supprimer tous les coûts superflus est nécessaire et enfin la transparence absolue pour justifier l’utilisation de chaque somme.

Pour comprendre son fonctionnement, étudions l’exemple de la tondeuse à gazon.

Fonction principale:

  • Couper la hauteur de l'herbe (remarquez qu'on a déjà opté pour une solution : le besoin est de réduire la hauteur de l'herbe, et la solution choisie est de la couper).

Fonctions contraintes :

Il s’agit ici de définir les fonctions essentielles sur lesquels il sera difficile de rogner sur les coûts.

  • S'adapter au terrain et à la végétation, respecter l'environnement (écologie et sonorité)
  • Faciliter l'utilisation, présenter un encombrement minimum
  • Respecter les normes de sécurité, résister aux intempéries

Fonctions complémentaires:

  • Fonctionner sans l'intervention de l'homme
  • Ramasser l'herbe

À titre d’exemples, on peut citer la NASA qui a utilisé la CCO a pu diminuer de 32 % les coûts de conception de sa navette DISCOVERY.

Il existe donc plusieurs prolongements de la méthode du coût cible néanmoins il est important de constater qu’il y a une quasi absence des études scientifiques sur le sujet dans les ouvrages de comptabilité de management. Que se soit pour des causes contextuelles relevant des initiateurs de ces méthodes d’une part, ou du nombre réduit des utilisateurs potentiels d’autre part, il semblerai intéressant d'approfondir les recherches sur ce domaine.

3 commentaires:

  1. Dans un premier temps, l'approche de Cooper et Slagmuder est vraie du fait qu'il est exact de dire que plus de 80% des coûts passent lors de l'étape de la conception. En fixant une cible, il est alors possible de réduire ces coûts. Par contre, à force de vouloir presser le citron en exigeant toujours des cibles de coûts meilleures, on risque de se retrouver avec une négligence ailleurs dans la conception du produit comme la réduction de la qualité ou le transfert de la production dans les pays asiatiques.

    Dans un deuxième temps, l'approche sur le cycle de vie est intéressante. Par contre, elle entre en contradiction avec le principe qui veut que 80% des coûts soient engagés dans la conception du produit. Une fois que le produit est créé, on aura beau faire du Kaïzen, on ne réussira jamais à obtenir de grandes réductions de coûts. Comment concilier les deux approches?

    Quelques mots sur la conciliation entre la comptabilité par activités et le coût cible. Je n'aurais pas penser à mettre les deux méthodes en parallèle. Il est vrai qu'en établissant le coût des activités, on peut peut-être réussir à réduire ces coûts grâce aux cibles. Par contre, comme vous le mentionnez, il faut être bien aux faits des répartitions des coûts indirects.

    Enfin, j'aime bien l'exemple de la tondeuse. Cela démontre qu'on peut désirer réduire les coûts sans pour autant négliger d'autres aspects comme la pollution et le gaspillage. Cette vision au-delà des coûts est donc très intéressante pour l'entreprise voulant intégrer des notions de comptabilité environnementale.

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  2. Tout d’abord, nous sommes tout à fait conscient des critiques que l’on peut faire sur la méthode du target costing, Nous n’avons d’ailleurs pas fait ce blog dans l’optique d’en faire son éloge. Loin de là, nous souhaitions recueillir des éclaircissements sur une méthode de calcul de coût bien méconnu des entreprises. Les critiques évoqués dans le premier paragraphe concernant la pression qu’augure l’application de cette méthode ainsi que la baisse de la qualité des produits ont d’ailleurs fait l’objet de posts un peu plus bas sur ce blog.

    Néanmoins nous restons toutefois septiques quant à votre opinion concernant l’implication du target costing dans les délocalisations vers les pays à bas coût. Certes nous pouvons également lui attribuer de banaliser les produits et donc dans un certain sens de détruire l’innovation des nouveaux produits, cependant de là à la rendre responsable des délocalisations, il y a une marge tout de même, qu’en pensez vous ? Pour nous, se serait plutôt lié au marché.

    Ensuite, nous pensons qu’il est assez logique de concilier le Kaizen costing au target costing. L’intérêt du Kaizen est comme nous l’avons indiqué d’obtenir une amélioration continue et programmée des coûts sur tout le cycle de vie du produit. On parle ici de la réduction des coûts en fonction de la phase dans laquelle se trouve le produit (lancement, maturité, déclin…). Mais ne nous limitons pas seulement à l’aspect coût/bénéfice du Kaizen qui certes nous vous l’accordons ne doit pas être si conséquente. Ce qui est intéressant ici, c’est de répondre aux mieux aux attentes des clients et de s’adapter à l’environnement tout en maitrisant les coûts, dans ce sens nous ne voyons pas en quoi le target costing et le kaizen ne pourrai pas se rapprocher. Nous trouvons au contraire qu’elles sont relativement complémentaires. Son application dans les entreprises du secteur automobile Japonaise en est sans doute une preuve.

    Et enfin concernant les autres prolongements du target costing, nous avons essayé d’être le plus objectif possible et nous sommes également contents d’avoir trouvé des liens autres que le rapport seul à la réduction des coûts. C’est certainement l’avantage de cette méthode qui intègre l’avis du client même si cette avis est souvent biaisé par des intérêts qui diverge cette méthode méritait qu’on s’y intéresse un peu et nous espérons qu’à présent vous serez plus au fait des travers mais aussi des apports de cette méthode de calcul de coût.

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  3. Bloc 4 - Maurice Bouchard Thomassin

    Le coût de revient cible est une pratique assez répandu dans un contexte concurrentiel. De ce fait, il est primordial que l'entreprise prenne en considération tous les aspects se rattachant à la gestion du changement puisque celui-ci est omniprésent. Lorsqu'un coût de revient cible est définit à l'aide de cible financière par une entreprise (marge spécifique), ce sont les processus internes de l'entreprise qui écoperont, pour la plupart du temps, des modifications à faire. C'est le principe du coût Kaizen, ou les processus sont constamment en évolution.

    Les modifications des processus ne sont normalement pas si simple à appliquer puisque le personnel à beaucoup à voir avec la réussite d'un changement. Donc, si un employé n'est pas en accord avec la décision de l'entreprise, celui-ci peut offrir de la résistance et ainsi ralentir l'exploitation.

    Une bonne communication est primordiale à la réalisation de modifications dû au coût de revient cible. Il faut partager la vision de l'entreprise avec le personnel afin d'éliminer la résistance. Encore faut-il que cette vision soit clairement définie. Il est certainement difficile pour un employé de comprendre et accepter les décisions de l'entreprise lorsqu'il s'agit de coupure de personnel ou encore d'augmentation de charges de travail.
    C'est dans une telle situation qu'un leadership fort et visionnaire est important. L'emploi d'un gestionnaire capable de rassembler l'entreprise vers la mission est un point culminant de la réussite d'un changement.

    Le coût de revient cible demande donc une adaptation du personnel et bien entendu, demande la gestion du changement. Malgré tout, cette technique est un excellent moyen d'avoir un avantage concurrentiel sur ses compétiteurs.

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